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Une du Dauphiné Libéré du 9 avril 2022

Une du Dauphiné Libéré du 9 avril 2022

Ce n’est pas moins que la  » Une du Dauphiné Libéré du 9 avril 2022  » qui est consacrée au problème du coût de l’énergie pour l’agriculture, et en particulier pour la filière arboricole.

Un article de fond de Jade VIGREUX et un interview, du Directeur et du Président de l’ASA, par Hugo TORTEL, occupent la quasi totalité de la page 3.

Nous en publions l’intégralité ci-après avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions, ainsi que le Dauphiné Libéré.

Une du Dauphiné Libéré du 9 avril 2022
Une du Dauphiné Libéré du 9 avril 2022

Hausse du prix de l’électricité : les arboriculteurs sous l’eau

Jade VIGREUX

Richier et Éric Villard sont « désespérés » par cette énième augmentation du coût de l’énergie. Photo Le DL /Jade VIGREUX
Richier et Éric Villard sont « désespérés » par cette énième augmentation du coût de l’énergie. Photo Le DL /Jade VIGREUX

C’est la douche froide pour les arboriculteurs : à cause du coût de l’énergie, le prix de l’eau des canaux de Gap et de Ventavon Saint-Tropez va enfler de 200 à 300 %. Les professionnels redoutent l’impact d’une telle hausse sur leur activité.

 

Quand Nicolas Richier, arboriculteur et propriétaire du domaine de la Pradelle à Vitrolles, a appris la nouvelle de l’association syndicale autorisée (ASA), c’est comme si « une vraie bombe » avait détoné dans son champ de pommiers. En effet, l’augmentation annoncée – de 25 % du prix de l’énergie par an et par hectare – aurait un impact dévastateur sur l’arboriculture, tributaire de l’irrigation pour exister. « En quatre ans seulement, le prix de l’eau a doublé. Et ça, c’est dramatique pour nous », observe l’exploitant, pour qui la situation relève de l’aberration.

Selon lui, l’arboriculture implique effectivement une plus faible consommation d’électricité, du fait de l’écoulement d’eau naturel que permettent les « réserves collinaires », bassins situés à flanc de montagnes et donc au-dessus des plantations. « En plus, cette eau hors de prix, on la restitue au canal EDF et à la Durance par les nappes », renchérit le Vitrollais. Mais, au-delà du caractère essentiel de cette eau, également antigel puissant, la hausse de son coût est un énième coup dur pour une arboriculture déjà pas mal cabossée.

« C’est un tout », explique l’arboriculteur et grossiste Thomas Philip, la mine grave. Un tout fait d’autres indexations sur le gasoil, les emballages, les intrants, le transport, la revalorisation salariale… rendant encore plus insupportable cette nouvelle flambée. Les deux producteurs disent aussi crouler sous les cahiers des charges et sous la «déloyauté commerciale» qu’ils entraînent : «On doit se plier aux normes franco-françaises et, en contrepartie, les pommes étrangères arrivent ici sans les respecter et prennent la part belle du marché», s’indigne Thomas Philip. « On doit tout protéger : l’environnement, les salariés, le consommateur. Mais personne ne nous protège », poursuit Nicolas Richier, contraint de toujours plus baisser le prix de ses pommes des Alpes face à cette concurrence féroce, venue principalement de Pologne. Et quand le sentiment d’injustice se dissipe, c’est le désespoir qui couve dans le milieu arboricole. « Là, on ne vit plus. Les producteurs vont finir par crever, c’est peut-être des mots forts, mais c’est la réalité », affirme le grossiste.

La hausse du prix du kilowattheure est d’autant plus douloureuse pour l’arboriculture, qu’elle peut difficilement emprunter des chemins de traverse pour la contourner. « Ce type de productions est pérenne et, à l’inverse des cultures de céréales [qui peuvent mieux s’adapter à la sécheresse par différents moyens, NDLR], on ne peut pas les modifier », insiste Éric Allard, président de l’ASA du pays de Serre-Ponçon, d’une voix échauffée. Ainsi, les préconisations « d’économie et d’optimisation de l’eau » de l’ASA semblent plutôt vaines. « C’est déjà ce qu’on fait, on est dans un système d’économie énergétique depuis bien longtemps ! », répond d’ailleurs Éric Allard, également exploitant.

Et la filière des pommes ne pouvant pas se suspendre un temps, ne lui reste plus que quelques solutions : le gel des prix, le dédoublement des cotisations pour les adhérents de l’ASA ou une éventuelle ouverture du “plan résilience” aux arboriculteurs. Pour sûr, les trois hommes n’abandonneront pas de sitôt leur activité, animés par un seul désir « de vivre enfin de [leur] métier et de donner à manger aux Français ».

« Être extrêmement attentif aux économies d’eau »

Hugo TORTEL

 

Une station de pompage située au Poët dans les Hautes-Alpes. Photo Le DL /DR
Une station de pompage située au Poët dans les Hautes-Alpes. Photo Le DL /DR

 

« L’eau en Provence, c’est toute une histoire », écrivait Marcel Pagnol. Une citation toujours d’actualité qu’on retrouve sur le site de l’ASA (association syndicale autorisée) du Canal de Ventavon Saint-Tropez, qui s’alarme de la hausse sans précédent du prix du kilowattheure (kWh), qui aura des conséquences sur la facture finale de ses quelque 1 800 adhérents. Pour la plupart, agriculteurs ou arboriculteurs. La consommation d’électricité étant directement proportionnée à la consommation d’eau.

En effet, comme l’explique Vincent de Truchis, directeur du canal de Ventavon Saint-Tropez, « des stations de pompage ont été construites pour irriguer les propriétaires et les 4 500 hectares qu’on dessert sur plus de 11 communes. Et ces stations nécessitent de l’électricité pour pomper les eaux et permettre leur distribution ».

Afin d’obtenir les meilleurs prix, l’ASA du Canal de Ventavon Saint-Tropez s’est rapprochée de multiples acteurs et réalise des achats d’électricité en gros piloté par l’UGAP (union des groupements d‘achats publics) auprès de leur fournisseur Engie.

Malgré cette initiative et après réception des « premières factures », l’établissement public a constaté une augmentation « très considérable » du prix du kWh. D’après les chiffres de Vincent de Truchis, cette hausse s’élève de 230 à 280 %, « selon que l’on parle en tarif de pointe, hiver, heure

creuse ou pleine ».

Pour l’année 2021, l’ASA a mesuré ses dépenses en énergie à hauteur de 450 000 euros. Avec une telle augmentation, la facture finale devrait s’élever à près d’1 125 000 euros. Cette hausse extraordinaire s’ex- plique par l’explosion des prix du gaz liée à la guerre en Ukraine et à la reprise post-pandémie.

« On ne peut pas ne rien dire aux irrigants et au mois d’octobre, lorsqu’on envoie les factures, leur faire découvrir que ça a pris une telle augmentation. Donc, on les prévient que le prix de l’énergie a plus que doublé et que la saison de l’irrigation va se faire avec un prix de l’énergie deux fois plus important. On demande d’être extrêmement attentif aux économies d’eau. Qui dit économie d’eau, dit économie de pompage et donc économie d’énergie », explique Vincent de Truchis, qui souligne que cette répercussion est une « application réglementaire » obligatoire afin d’équilibrer le budget de l’ASA.

« Nous attendons donc un usage raisonné de la ressource en eau et le plus économe, dans l’intérêt d’une diminution du coût de l’énergie et d’un impact minoré pour l’ensemble des irrigants actifs sur toute la vallée de la Durance », insiste Vincent de Truchis.

De son côté, le président de l’ASA du Canal de Ventavon Saint-Tropez, Christian Gallo, considère que « plus que de réduire la consommation en eau, il faut l’optimiser. Il ne faudrait pas laisser penser que les irrigants ne doivent plus arroser ».
 

Vincent de Truchis, directeur de l’ASA (Association syndicale autorisée) du Canal de Ventavon Saint-Tropez. Archives photo Le DL /Vincent OLLIVIER
Vincent de Truchis, directeur de l’ASA (Association syndicale autorisée) du Canal de Ventavon Saint-Tropez. Archives photo Le DL /Vincent OLLIVIER

Une enquête réalisée auprès de 300 ASA en France qui utilisent des stations de pompage est attendue à la mi-avril afin de solliciter l’aide des pouvoirs publics.