Histoire du Canal de Ventavon
Durance est devenue, au fil du temps, un cours d’eau à enjeux. Elle offre aux Hommes sa force motrice dont l’essentiel provient des Alpes. Elle apporte l’eau pour irriguer les sols.
Historique du canal de Ventavon - Saint Tropez
1763 : 1er Projet
Le projet du Canal de Ventavon émane de M. Tournu de Ventavon. Cette idée de construire un canal d’irrigation qui desserve les terres situées entre les communes de Tallard et de Mison sera reprise par M. Casimir de Ventavon, avocat et Sénateur dès la fin du 19ème siècle qui fera accepter aux pouvoirs publics cette étude.
M. Casimir de Ventavon, député des Hautes-Alpes
Les nombreuses études produites par les ingénieurs successifs du Service Hydraulique des Ponts et Chaussées permettent de mesurer l’importance des réflexions que suscitent les travaux d’achèvement du canal : modifications et améliorations techniques se succèdent, pour finalement aboutir à un canal aux caractéristiques techniques bien différentes de celui imaginé par Casimir de Ventavon.
En 1852 la mise en place d’un canal ayant sa prise à Remollon dont la branche principale dispose de 55 km de long et pouvant desservir jusqu’à 4947 hectares avec un débit de 5 m³/s
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Toutefois, en 1863, 1700 ha seulement sont engagés et malgré la proposition d’aide de M. Garnier, député des Hautes Alpes et plus tard fondateur du Canal de Gap, le projet échoue alors qu’arrive la guerre.
Fin du 19° siècle : constitution de l’ASA du Canal de Ventavon et début des travaux.
En 1880, un arrêté préfectoral permet la constitution de l'ASA du Canal de Ventavon et l’autorise à prélever un débit de 2.5 m³/s.
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Dès cette époque et jusqu’en 1908, plusieurs entrepreneurs (M.Chabrand d’abord, puis M.Pavie et enfin les Sociétés des Forces Motrices de Haute Durance et de Durance) demandent à l’Etat de leur accorder le droit d’utiliser l’eau dérivée de Durance pour alimenter des usines hydro-électriques.
Les travaux commencent immédiatement mais s’arrêtent à proximité de la Saulce en 1888 en raison de l’épuisement de crédits.
En 1908, un décret accorde à la Société des Forces Motrices de la Durance (SFMD) la concession de 40 m³/s d’eau dérivés de la Durance à la Saulce et l’autorise à utiliser les usines hydroélectriques du Beynon.
Ouvrage de prise en Durance à la Saulce
Usine hydro-électrique du Beynon
Une des turbines de l’usine hydro-électrique du Beynon
Usine hydro-électrique du Beynon aujourd’hui (abandonnée)
En contrepartie 7 prises permettant de prélever l’eau pour irrigation pourront être établies sur le parcours du canal usinier. Pour cela le périmètre couvert par le projet initial doit être modifié.
En 1911, les travaux à effectuer pour achever le canal de Ventavon sont à l’étude.
Le tronçon de Durance qui intéresse l’ASA du Canal de Ventavon se trouve placé sous concession SFMHD par l’état.
La société concessionnaire est tenue de maintenir, sans préjudice, les systèmes d’irrigations existants.
Elle propose alors l’installation de machines élévatoires mécaniques des eaux qui se trouvent dérivées par le canal de la SFMHD, mais qui transportent aussi les dotations en eau propriété de l’ASA et acquises dans le cadre de la loi DUP du 20 juillet 1881.
Avec cette solution, l’eau dérivée du canal usinier de la SFMHD serait relevée grâce à une station élévatoire implantée au lieu-dit Le Beynon, et refoulée dans la branche mère du canal de Ventavon.
Il y a lieu de rappeler que l’installation des concessionnaires se fait dans le respect des droits d’eau antérieurement existant sur le cours d’eau.
Ici et en l’occurrence, celui de l’ASA du Canal de Ventavon.
1919 : La loi DUP pour la reprise des travaux de construction du canal de Ventavon
Le 26 août 1919, la loi déclarant d’utilité publique l’achèvement des travaux du canal de Ventavon est promulguée. Ce texte spécifie que les travaux seront achevés si et seulement si une nouvelle ASA du Canal de Ventavon est constituée. Elle accorde à l'ASA un droit de 2 500 l/s toute l'année.
À cette dotation de 2 500 l/s acquise par la loi du 26 août 1919, s’ajoutent des dotations dites « Réserve en eau » qui chargent le concessionnaire de mettre à disposition des dotations en eau nouvelles pour favoriser le développement de l’irrigation.
1924 Création d’une nouvelle ASA
Après dissolution de l’Association Syndicale Autorisée constituée en 1880, une nouvelle association est autorisée par arrêté préfectoral du 6 octobre 1924.
Une somme de 3 000 000 F permet l’achèvement d’un canal de 12 km sur les communes d’Upaix, du Poët, Mison et Sisteron, alimenté par une première station de pompage construite en 1933. En amont, l’Etat prolonge le canal dont les travaux s’étaient arrêtés à la Saulce.
A partir des années trente une surface de 987 hectares 73 ares située entre Buëch et Durance peut enfin être irriguée.
Entre conflits et accords, les relations restent difficiles entre l’ASA et la SFMHD malgré les conventions de 1907-1911 et de 1920-1931 autorisant les propriétaires de parcelles situées sur le tracé du canal à prélever le débit nécessaire à l’irrigation de celles-ci.
C’est ainsi qu’en 1936, un accord donne droit à une dotation de débit supplémentaire (réserve en eau) à celle déjà acquise par la loi du 26 août 1919, pour permettre l'extension du périmètre irrigué sur la Plaine du Safre et de Lardier qui se constituent alors en Association Syndicale Libre.
Mais en 1939, le ministre décide de redonner à l’ASA du Canal de Ventavon le privilège de l’irrigation qui reforme son périmètre initial.
Au cours de la 2e guerre mondiale les canaux non entretenus se détériorent rapidement et quand Monsieur Richaud devient Président du Canal de Ventavon la conduite de l’eau est devenue difficile sur l’ensemble du périmètre.
À partir de 1940 : Litiges avec les sociétés concessionnaires concernant les prises particulières des propriétaires sur les canaux usiniers
Progressivement, les propriétaires adhérents s’organisent de manière à se doter de canaux propres, destinés à l’irrigation. Ils obtiennent, pour ce faire, des concessions de l’État.
Pour gérer les ouvrages et la répartition de l’eau, sous l'impulsion du Préfet, il doivent se constituer juridiquement en Associations Syndicales Autorisées et Associations Syndicales Forcées, régies par la loi du 21 juin 1865. Tel est le cas des irrigants du canal de Ventavon, constitués en ASA le 20 juin 1880 en vue de la création d’un canal en rive droite de Durance. Déclarée œuvre d’utilité publique en juillet 1881, sa prise en Durance permet de dériver 2,5 m³/s.
D’autres canaux que celui de Ventavon sont construits en Moyenne Durance : Manosque, La Brillanne.
En Basse Durance (aval de Mirabeau), les débits dérivés sont beaucoup plus importants : ainsi, 15 canaux sont construits qui peuvent dériver jusqu’à 114 m³/s.
1955 Loi du 5 janvier liée aux aménagements de la Durance
La volonté de la commission syndicale de moderniser les infrastructures est alors appuyée par la loi sur l’hydro-électricité du 16 octobre 1919.
Cette loi vient protéger les usagers, déjà existants sur les cours d’eau, face aux sociétés concessionnaires en charge du développement de l’hydro-électricité. Dès lors, le législateur se prononce pour le respect par le concessionnaire des droits d’eau antérieurement accordés sur les cours d’eau, l’obligation d’organiser des élections de droit d’eau lorsque cela s’impose, selon un processus administratif qui doit être rigoureusement suivi. L’éviction donnant lieu à indemnisation.
Mais ce n’est pas tous, la loi inscrit dans ces différents articles l’obligation pour le concessionnaire de rétablir tout désordre qui naitrait du développement de la concession.
Le concessionnaire dispose d’une obligation de rétablissement des infrastructures hydrauliques perturbées, hydrauliques propriété par exemple des ASA perturbées
Tous les droits de l'ASA sont donc conservés.
La construction du nouveau canal usinier de Sisteron va enfin permettre d’installer, dès 1970, des conduites de mise en charge de gros diamètre permettant de rétablir ponctuellement les irrigations par ruissellement mais surtout de prévoir les travaux de conversion à l’irrigation par aspersion sur l’ensemble du périmètre.
Avec l’arrivée de cette technique d’irrigation sous pression les agriculteurs se tournent pleinement vers des cultures nouvelles et à hautes valeurs ajoutée comme l’arboriculture dans laquelle M. Richaud a investi dès 1962, prévoyant la possibilité de lutte contre le gel, système qu’il sera l’un des premiers à expérimenter.
L'aspersion sur frondaison afin de protéger les bourgeons floraux.
1956 : le premier réseau collectif d'irrigation par aspersion d'Europe est mis en service du Haut Ventavon en 1956 après l'autorisation d'extension du périmètre par arrêté préfectoral
Dès 1950, parallèlement à une demande d’aide technique et financière effectuée auprès du génie rural pour la réhabilitation du canal principal et des rigoles secondaires, M. Richaud fera établir un projet d’irrigation par aspersion malgré le scepticisme général de l’opinion publique et du monde agricole.
Sa première victoire se concrétise en 1954 lors de la parution d’un article de presse annonçant que le « projet initial du Canal de Ventavon qui prévoyait 70 hectares d’arrosage en plus sur la commune étant en panne faute de crédits, un projet d’arrosage par aspersion tenant lieu en même temps d’expérience a été proposé ».
Mis en place en 1956 et laisse déjà envisager d’énormes possibilités pour l’évolution de l’agriculture, notamment l’arboriculture.
1974 : Construction des stations de pompage pour le rétablissement de l'accès aux eaux de l'ASA.
La SA EDF va construire 3 stations de pompage greffées directement sur le canal usinier pour rétablir les eaux à 600 hectares de terrains placés à l'aspersion, les travaux sont financés par EDF, dans le cadre de ses obligations de rétablissement des infrastructures hydrauliques perturbées par le concessionnaire. Le même principe technique a été retenu pour 5 autres stations.
Les membres adhérents qui bénéficient les premiers du réseau sous-pression et de l’équipement pour l’irrigation par aspersion comprennent l’intérêt de cette innovation technologique pour le développement de la production fruitière.
- la charge de travail est moindre qu’avec l’irrigation à la raie,
- l’apport en eau plus adapté aux besoins des cultures,
- l’aspersion permet de lutter contre le gel des bourgeons floraux,
Ainsi l’on assistera peu à peu à l’abandon de l’élevage ovin et de la polyculture pour aller vers des systèmes de production intensifs (en surface, en travail et en capital) spécialisés dans la production fruitière.
1975 Litiges avec les sociétés : Aménagement de la Durance par EDF : Cas particulier du Canal de Sisteron
En 1975, l’aménagement et l’exploitation de la chute de Sisteron par EDF, représentaient en fait l’avant-dernier maillon de l’aménagement intégral de la Durance, de Serre-Ponçon au littoral méditerranéen.
A la mise en service de ce nouvel aménagement, EDF a procédé à la désaffectation des anciennes usines hydroélectriques implantées à Ventavon et au Poët. Naturellement, les canaux usiniers alimentant ces deux usines ont également été désaffectés.
Ces transformations ont impliqué un réaménagement des irrigations sur le périmètre de l’ASA du Canal de Ventavon.
Tant et si bien qu’aujourd’hui, l’irrigation du périmètre de l’ASA du Canal de Ventavon dépend en grande partie du canal EDF de Sisteron : en effet, c’est l’eau qu’il transporte qui alimente les 7 stations de pompage de l’ASA situées en aval de La Saulce.
1960 – 1975, le canal EDF de Sisteron, du projet à la réalisation : impacts sur les caractéristiques techniques de l’irrigation au sein du périmètre de l’ASA du Canal de Ventavon.
De 1974 à 1992 un réseau performant contribue à l’expansion économique du périmètre dont la surface irriguée sous pression évolue jusqu'à 4 000 hectares.
À partir de 1980, le Président Monsieur RICHAUD établira un projet de construction et de modernisation des réseaux, aidé en se sens par les partenaires financiers tels que l’Europe, l’État, la Région, le Département et l’Agence de l’Eau, ainsi que la Direction Départementale de l’Agriculture anciennement appelée Génie Rural.
Et quand en 1992, lors de l’inauguration de la dernière station de pompage, M. Richaud décide de quitter la présidence de l’ASA, 51 hectares seulement situés sur les communes de Lettret et Tallard restent arrosés par ruissellement.
De 1992 à 1994
Vers une gestion moderne et un service efficace qui doivent s’adapter aux nouvelles contraintes économiques
À partir de 1992, d’abord sous la présidence de Mlle Nicole MAGALLON puis de M. Jean VALENTINI, élu en 1994, l’ASA du Canal de Ventavon va se consacrer à l’entretien des réseaux et des stations de pompage.
Les nouvelles exigences des adhérents de zones urbaines ou de zones rurales obligent aujourd’hui l’ASA à améliorer sans cesse son service de livraison des eaux
De 1994 à 2000
Réhabilitation par le personnel de l’ASA de 284 bornes corrodées.
Remplacement de 3 123 m de conduites amiantes ciment soumise à éclatement par des conduites fonte ou PVC.
1995 - 1998 : Rétablissement de 31 kilomètres de canalisations hors de l’emprise autoroutière
Lors de la construction du tronçon de l’A 51 SISTERON-LA SAULCE. Ce marché dont la maîtrise d’œuvre et le suivi des travaux ont été réalisés par l’ASA DE VENTAVON a été financé par la société autoroutière ESCOTA.
2000 : Mise aux normes de sécurité humaine de l’ensemble des stations de pompage. Etanchéité et mise en sécurité du réservoir du Poët.
Projets : L’ASA du canal de Ventavon s’oriente vers des techniques toujours plus performantes et lance, dès 2001, avec l’aide de l’Europe, l’Etat, la Région et l’Agence de l’Eau » un important programme de travaux qui comprendra notamment les travaux suivants :
- supervision des stations de pompages
- Réfection des armoires électriques et de commande
- Gestion centralisée des trios stations de pompage du Poët – Mison – Sisteron avec pose d’un câble de fibres optiques.
Ces travaux sont destinés à satisfaire l’ensemble des adhérents de ce serveur couvert par une agriculture très diversifiée par la nature ou la taille des exploitations ainsi que par les demandes très différentes en matière de débit, de pression ou de période du besoin en eau.
2012 - 2024 : La société anonyme EDF entre en conflit contre l’ASA du Canal de Ventavon Saint Tropez
Plusieurs contentieux naissent entre la SA EDF et l’Association Syndicale Autorisée du Canal de Ventavon St Tropez.
Ces contentieux sont de plusieurs ordres et se déclinent comme suit :
- La SA EDF, cesse unilatéralement de procéder au versement annuel financier ou énergétique due au titre des compensations.
En effet, lorsque le concessionnaire SA EDF s’était installé sur la Durance et sur le tronçon Chute de Sisteron, les aménagements réalisés ont conduit à devoir installer des stations élévatoires gourmandes en énergie.
En 1972, une convention avait alors été signée entre la SA EDF et l’ASA du Canal de Ventavon Saint Tropez établissant une norme de gratuité annuelle.
À partir de 2012, la SA EDF, sans préavis, sans concertation et unilatéralement, a suspendu les paiements.
L’ASA du Canal de Ventavon Saint Tropez a donc mis en œuvre une procédure d’établissement de titre exécutoire afin de solliciter auprès de la SA EDF les sommes dues.
Cette démarche s’est réitérée tous les ans de 2012 à 2024.
À partir de 2012, la SA EDF a contestée devant le Tribunal Administratif la production de ces titres exécutoires, leur forme, leur fond.
L’affaire a été portée jusque devant la Cour Administrative des Appels de Marseille, laquelle a sollicitée l’intervention d’un expert en vue de déterminer les modalités précises de calcul.
Un arrêt a ensuite été adopté par la Cour Administrative d’Appel de Marseille.
La société EDF a engagé un pourvoi en cassation devant la Haute Juridiction du Conseil d’État.
Le pourvoi déposé par la société EDF a été rejeté, confirmant le bien-fondé du seul arrêt de la Cour Administrative d’Appel, lequel reprend parmi les points principaux :
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- En cours de rédaction
- En cours de rédaction
- En cours de rédaction
- En cours de rédaction
- La décision de la SA EDF de facturer les eaux dérivées, par l’ASA du Canal de Ventavon Saint Tropez, avant la date du 15 avril de chaque année.
Les contentieux sont actuellement en cours, ils ont été portés devant la Haute Juridiction du Conseil d’État courant d’année 2024, ce qui a donné lieu à un renvoi devant la Cour Administrative d’Appel de Marseille.
L’ASA du Canal de Ventavon Saint Tropez est donc en attente des résultats qui seront rendus.